MARIANNICK HALAI

Bonjour, je suis Mariannick Halai, 51 ans, née à Lorient, mais j'ai grandi à Valence dans la Drôme. Mon mari, Shashi Halai, est "British-Indian" d'origine Gujarati, nous nous sommes rencontrés à Mahabalipuram en 1994, alors que nous étions deux routards, et mariés à Valence en 2002. Nous avons deux enfants de 18 et 19 ans, et c'est leur arrivée en ce monde qui a été déterminante pour notre déménagement en Inde. Shashi et moi-même étions d'accord qu'en Inde les enfants auraient une existence plus simple, une enfance plus innocente qu'en occident. Un peu comme la nôtre au début des années 70, loin du consumérisme et de l'hyper sexualisation des enfants. C'est ainsi qu'en octobre 2007, nous avons débarqué avec nos 2 jeunes enfants (2 et 4 ans), une poussette et 5 valises, pour recommencer de zéro. En prévision de ce projet, je m'étais formée en boulangerie à L'AFPA. Nous avons d'abord été hébergés chez les grands-parents de Shashi qui habitaient à l'époque à Brookefield, et rapidement nous avons déménagé là où nous sommes toujours actuellement, dans notre petit appartement de Siddapura/Whitefield, à côté de notre restaurant. Au fil des rencontres, nous avons compris qu'il y avait un besoin réel de bon/vrai pain français, et avons travaillé dur à mettre au point des baguettes et croissants de bonne qualité avec des matières premières absolument pas adaptées à ces types de produits, et le tout cuit en four à bois construit par mon mari. En avril 2008, Chez Mariannick ouvrait ses portes, et ce fut un succès immédiat. Nous venons juste de fêter nos 15 ans de bons et loyaux services ! Les enfants sont allés dans des écoles locales, et ont grandi simplement avec les autres enfants des appartements adjacents. La vie en Inde, et surtout en tant que propriétaire d'une affaire comme la nôtre a été pleine de rebondissements... On ne s'ennuie jamais par ici ! Les différences culturelles, les attentes des clients qui ont une française en face, mais la même française qui a du personnel venant du village, pour la plupart illettrés... Beaucoup de travail pour des tâches pourtant simples, beaucoup de malentendus culturels, de consternation face aux absences intempestives, mais aussi de joie, de rires, de fierté, de confiance, de résilience... Une vie haute en couleur, dans tous les sens du terme! 
Je trouve que la société Indienne est à l'image de l'homme, sans filtres, avec tous ses défauts et qualités, dans tous ses abus et debordements, tant positifs que négatifs, sans retenue. Et quand on vit dans un environnement à son image, il me semble qu'on navigue la vie plus facilement, plus librement, plus simplement ... Pendant ce temps l'occident régule, contrecarre, restreint, bride, castre...
Il y a 4 ans, j'ai dû aller en Europe (on a choisi la Grèce) pour accompagner mes enfants étudier dans un lycée Français, et ce fut un choc terrible pour moi. Ce qui m'a frappée le plus en arrivant : j'avais cette impression d'être parmi des "robots".
Je partage avec vous ce petit texte écrit en Anglais lors d'une balade mélancolique la première année de cette expatriation, qui résume en quelques mots mon histoire d'amour avec l'Inde :

"The blessing , the curse and the torment of living in India :
In India, no standardisation, no one size fits all. Multi-layered society with a multitude of options for the multitude of people. 


Everything is sublimised, heightened, on steroids... The great, the good, the bad and the ugly. It keeps you alive, your soul is fed, your senses are saturated and vibrant... 
Living in Greece feels as if my life has shrunk through a unidimensional and monochrome funnel.  At the other end of the funnel, life is a desert of uniformity and conformism. All is white, grey or blue. Cold and lifeless.  Orderly and constraint. Framed and castrated. Pretty and shallow."

 

L'Inde bouillonne d'énergie, de créativité, d'ingéniosité... On se sent porté par ces énergies, et on sait que si une porte se ferme, une autre s'ouvrira forcément, c'est rassurant. Mon âge me pèse beaucoup moins ici qu'il ne me pèse en Europe.
Par contre, et même si la situation évolue peu à peu, je suis toujours choquée de l'attitude des indiens (en général) par rapport aux détritus et à l'environnement. 

 

Notre petite affaire a attiré beaucoup d'attention à l'époque, nous étions des précurseurs à Bangalore. Malgré le fait que nous n'ayons fait aucun marketing (il n'y a toujours pas de pancarte au bord de la route) nous avons eu la visite incognito de nombreux journalistes et sommes apparus dans une pléthore de journaux et magazines (Condé Nast, Times, Good Food, DNA, Times of India et même le in-flight magazine de British Airways à la section "where to eat in Bangalore? "! et tant dautres...). J'ai aussi été interviewée par 2 journalistes françaises pour apparaître dans un livre/guide sur Bangalore appelé "Portraits de Bangalore" ; je suis le premier portrait. Encore aujourd'hui des gens viennent me voir grâce à ce livre... Il y a quelques années, des clients sont venus avec un énorme livre rouge en main, le guide des meilleures pizzas dans le monde, classées par pays, et nous étions l'un des 2 seuls restaurants pour l'Inde ! Ce genre de surprises nous a toujours amusés. Un jour, on nous a même livrés un trophée de "meilleur restaurant méditerranéen" 2011, mais n'avons jamais été invités au gala de remise des prix qui s'était tenu la veille en grande pompe; sans doute nous n'étions pas présentables ! Bref, beaucoup de souvenirs et anecdotes... Peut être qu'un jour je les écrirai. En attendant la vie continue, et je suis heureuse et reconnaissante d'avoir été accueillie dans ce pays merveilleux.

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